Il n'y a pas longtemps, je voyais sur un site fréquenté par des profs pour des
questions ou problèmes divers, un collègue qui disait qu'il avait parfois la désagréable impression de "donner de la confiture aux cochons" lorsqu'il préparait un cours super élaboré et qu'il
constatait que les élèves ne retenaient rien, pire encore que souvent les documents qu'il leur avait donnés et qu'il avait mis du temps à préparer étaient froissés, déchirés voire jetés par terre
sans aucun respect... "Donner de la confiture aux cochons", que n'avait-il pas osé dire là... Plusieurs autres collègues se sont outrés de cette expression si méprisante à l'égard des élèves. Ils
donnaient comme argument qu'on ne pouvait espérer le respect si on n'en a pas soi-même... Ok, mais, se sont-ils demandé si le collègue qui parlait avait commencé à ne pas respecter les élèves AVANT ou APRES plusieurs cours passés dans les
conditions que j'ai décrites plus haut ?
Les enseignants, souvent, sont de grands "naïfs" ou de grands "optimistes"... c'est selon. Ainsi, quand on a débuté, on a tous pensé que les élèves allaient être sympa, respectueux de nous et de
notre travail, polis, plus ou moins sérieux, intéressés... On s'est donné du mal, les premiers temps, pour essayer de faire les cours les plus intéressants possibles et puis, on a tous découvert,
soit très tôt, soit plus tard, une classe qui n'en avait rien à foutre et pour qui le seul objectif était de démolir le cours... Pour ces classes-là, les premiers temps, on se donne encore plus
de mal que pour les autres, souvent et on va chaque soir bosser trois fois plus en espérant que, là, ça marchera, qu'on parviendra à quelque chose... et puis, on constate que rien ne fonctionne,
que les heures passées à mettre en forme un cours qu'on pensait génial, sont des heures perdues, du moins pour cette classe-là. On a découvert les photocopies à la poubelle ou en boule derrière
le radiateur et on comprend que se donner du mal pour ça, c'est perdre son temps, son énergie et tout ce qui va avec. Alors, oui, on a l'impression d'avoir donné de la confiture aux cochons...
Bien sûr... Et qui pourrait affirmer qu'il peut rester motivé et enthousiaste lorsque ça arrive plusieurs semaines de suite, plusieurs mois ou, au pire, plusieurs années ?
Désabusés, nous pouvons l'être. Et médisants vis à vis de certains élèves odieux,entre nous, nous pouvons l'être aussi. Je veux dire que, de nos jours, un élève peut quasiment insulter un prof
sans avoir peur de véritables représailles. L'inverse n'est pas possible. Donc, les moments où on peut s'exprimer sur nos ressentis, nos joies ou nos découragements, c'est principalement avec nos
collègues... et si on constate que les dits collègues n'offrent qu'une oreille démagogique et critique, alors c'est la fin. L'une des grandes solitudes de ce métier, ce n'est pas face aux élèves
qu'on la ressent le plus profondément, même si on est bien souvent seul contre 28 ou 30 gamins... non, c'est en salle des profs ou en conseil de classe lorsqu'on explique qu'on a des difficultés
avec une classe et qu'on entend les collègues affirmer haut et fort que eux n'en ont aucune, absolument aucune et que, si on en a c'est qu'on ne sait pas s'y prendre.
J'entends parler des suicides dans diverses entreprises à cause de la pression ou de je ne sais quoi. Dans l'éducation nationale aussi, des suicides, il y en a et quand on en parle, on finit par
dire que la personne avait par ailleurs des difficultés personnelles. Facile. Il ne faut surtout pas sous-entendre que c'est le comportement des élèves ou parfois des collègues qui a améné à ce
geste fatal... Et pourtant...
Lors de ma première année d'enseignement, j'ai hésité tous les soirs entre la démission et le suicide. Je n'ai fait ni l'un ni l'autre... J'étais trop mal pour prendre une décision adminsitrative
mais pas assez pour abandonner ma mère. Donc, j'ai tenu le coup. L'année suivante, je me suis juré que plus jamais les élèves ne me mettraient dans un état pareil, que je saurai toujours prendre
assez de recul pour ne plus avoir ces idées-là... Et, prendre du recul c'est aussi pouvoir, de temps en temps, "taper" sur les élèves en privé, en dehors de leur présence, entre collègues. Ça ne
porte pas à conséquence mais au moins, ça fait du bien... On finit parfois par en rire et la pression diminue... au moins un peu. Alors, tous ces profs démago, j'espère qu'un jour ils auront une
classe ingérable, le genre qui décide d'amener ses profs au suicide et on verra s'ils critiqueront toujours une expression comme "donner de la confiture aux cochons" qui n'est finalement pas si
odieuse que ça si on la compare avec les mots ou même les actes dont sont capables certains gamins.
Au fait tu connais le blog, les toujours ouvrables ?